Carte du Dauphiné de 1696En 1692, Seigneur Sanson, Géographe Ordinaire du Roy, entreprend la cartographie du Dauphiné
©En 1692, Seigneur Sanson, Géographe Ordinaire du Roy, entreprend la cartographie du Dauphiné|Archives départementales des Hautes-Alpes, cote Z Guillemin 9

Patrimoine

On te refait l'histoire ?

Dans les villages, les maisons de pierre et bois mêlés extraits de la montagne, te racontent le territoire. Si tu lèves la tête, un cadran solaire te donnera l’heure. Par sa maxime, tu devineras ce qui compte pour celle ou celui qui l’a commandé. Si l’accent chante, ne t’étonne pas d’y trouver un air d’Italie ou de Provence, elles sont toutes proches. En pénétrant dans une église, tu seras saisi·e par la folie baroque qui orne les murs. Ici, l’Histoire se partage au présent. Bienvenue chez nous !

Un brin d'histoire

Tu veux comprendre ce que sont les Escartons mais pas de cours magistral ? Laisse-moi te raconter. C’est l’histoire de montagnards dotés d’un sacré esprit d’indépendance.

Les Escartons, une liberté payée

Retour en plein Moyen Age, en 1032. L’Empereur germanique, Henri III, donne aux comtes d’Albon le titre de princes du Briançonnais. Par une guerre par ci, un mariage par là, les voilà à la tête d’un état indépendant dont la capitale est Grenoble. Son territoire ? Grossièrement, l’Isère, la Drôme et les Hautes-Alpes d’aujourd’hui. Chez les d’Albon, les garçons se prénommaient Dauphin, comme ta cousine Delphine ! Des années plus tard, Dauphin deviendra le titre de souverain du Dauphiné !

Bon à savoir !

Les textes ont été rédigés par Elsa Giraud de l’Atelier d’histoire, historienne et guide-conférencière, que tu peux retrouver lors de visites guidées.

Et le Queyras dans tout ça ?

Il appartient au Briançonnais, qui s’enrichit grâce à …un Pape ! En 1309, Clément V quitte Rome pour Avignon. La route entre l’Italie du Nord et Avignon devient très fréquentée. Evêques, marchands, artistes font étape à Briançon, ils mangent, dorment : l’argent rentre !

Tout va bien pour eux !

Non car ils sont en pleine féodalité. Ils ont besoin de libertés, de réduire les taxes. Or le Dauphin est endetté, Humbert II veut vendre le Dauphiné. En 1343 est signée la Grande Charte : les Briançonnais paient au Dauphin 12 000 florins et une rente annuelle de près de 4000 florins. En échange, ils deviennent des « citoyens francs, libres et bourgeois ».

Ils ne peuvent plus être sujets d’un seigneur ?

Non ! Ils gagnent le droit de s’assembler en communauté d’habitants, d’élire des consuls chargés de gérer le village.

 

Il y en a 5 ?

L’escarton de Briançon, l’escarton du Queyras et dans le Piémont aujourd’hui italien, les escartons d’Oulx, Pragelas et Château-Dauphin. Chacun a son assemblée. Le Grand Escarton traite des problèmes du « grand » Briançonnais, l’Escarton du Queyras gère ce qui concerne la vallée du Guil : l’entretien du chemin de la Combe, les fournitures d’étapes aux armées en route pour l’Italie, etc. C’est une sorte de communauté de communes qui défend les libertés et répartit les charges.

4000 florins à payer chaque année, c’est beaucoup d’argent ?

C’est pour cela qu’on invente les Escartons. Escarter, c’est répartir les impôts, escartonnement signifie répartition. Chaque année, on « escarte » la rente entre les communautés. L’assemblée qui décide de l’escartonnement pour tout le Briançonnais s’appelle le Grand Escarton. Les vallées sont des petits escartons.

1349, le Dauphiné est cédé à la France

A qui est payée la rente ensuite ?

Au Roi, même si Humbert II demande que le fils aîné du Roi de France prenne son titre.

Ils ont payé chaque année ?

Jusqu’à la Révolution française, en faisant signer un exemplaire de la Charte à chaque nouveau roi. Ainsi le Queyras a conservé ses libertés !


Notre architecture décryptée

Si tu veux connaître les villages du Guillestrois et du Queyras, observe leurs maisons, elles ont tant à raconter.

Dans tous les villages, l’agriculture et l’élevage furent autrefois le métier d’une majorité d’habitants. La maison est à la fois logis et outil de travail. Elle abrite la cuisine, une chambre ou deux, la cave mais aussi l’écurie et une immense grange.  Ne t’étonne pas de la taille imposante des maisons. Plus l’hiver est long, plus il faut rentrer de récoltes donc plus la grange devait être vaste.

Si par chance tu visites une maison ancienne, observe ses espaces de circulation : la cour (hall d’entrée) ouvre sur l’écurie d’un côté, la cuisine de l’autre, la cave au fond. De la cour part l’escalier vers le premier étage. Puis imagine : ces espaces sont assez larges pour permettre le passage d’un homme descendant de la grange chargé d’un ballot de foin. De même, son épouse portant deux seaux remplis de lait entre sans difficulté dans la cuisine où l’attendent le chaudron dans l’âtre et la presse à fromages.

Voilà, tu as les bases de notre architecture locale. Mais d’une vallée à l’autre, pour répondre à ces besoins, on a inventé des solutions variées. Un riche patrimoine à conserver et à découvrir.

Les fustes de Molines et Saint-Véran

Dans ces deux villages, les maisons sont faites majoritairement de pierre et de bois.

Comprendre cette architecture, c’est se plonger le quotidien d’un paysan avant la mécanisation.

L’été est consacré à faire des récoltes : foins, regains (deuxième coupe du foin après qu’il a repoussé), moissons d’orge et avoine pour nourrir les bêtes l’hiver à l’écurie, de blé et seigle pour faire le pain durant une année. Ces récoltes sont stockées dans la grange. Elle occupe les deux tiers du volume de la maison… ici, l’hiver est long !

En août, on commence à séparer les agneaux et les veaux de leurs mères pour pouvoir reprendre la traite. La confection des fromages et du beurre reprend dans la cuisine. Ils seront stockés dans la cave. Certaines maisons en ont deux !

L’hiver, la famille vit dans l’écurie avec le bétail pour profiter de leur chaleur. C’est autant de bois économisé.

Aiguilles et les villas américaines

A Aiguilles, les maisons cossues voisinent avec les modestes. Les fontaines sont ornées de petits amours. Le bois si présent à Saint-Véran est ici absent. Cette architecture raconte une renaissance, ou plutôt trois renaissances.

Catastrophe

Aiguilles disparaît dans un incendie. Foin qui fermente dans une grange ou cheminée mal entretenue, tout brûla. De nombreux Aiguillons s’exilèrent. Habiles commerçants, ils tentent l’aventure parfois très loin : Chili, Argentine, Pérou ou Colombie. Vingt ans plus tard, fortune faite, ils reviennent se faire construire une belle villa à Aiguilles. Plus de grange mais tout le confort moderne : vastes chambres, chauffage central, salon de réception. Plus de matériau inflammable, on privilégie la maçonnerie, la pierre de taille, les volets métalliques et le zinc. Au-dehors, cour fermée, portail monumental et toiture à la Mansart annoncent l’aisance des occupants.

Un deuxième incendie fait disparaître 58 maisons côté Ville-Vieille.

Le troisième incendie brûle 108 maisons côté Abriès. Les reconstructions sont alors plus rapides. Fin 19e siècle, c’est au tour de la Mairie : avec son monumental balcon en fer forgé et son fier clocheton, elle est superbe !

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